jeudi 17 avril 2014

Territoire du poème



TERRITOIRE DU POEME
(fondé par Anne Stell )
Animé par CHRISTIAN DEUDON

Présente
  
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JAY CEE

Dans le velours de l’aube une brise
Visiteuse inattendue
Nous joue telle une Muse
Un murmure symphonique
Au travers des branches
Des oliviers passifs.
  
( Le poète lira ses poèmes marocains )

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FRANCOIS MINOD 

Les Editions Hesse ont publié les premiers textes de François Minod. Cet écrivain, qui a fait ses armes au théâtre comme metteur en scène et acteur, poursuit une déambulation poétique et facétieuse au pays des mots, dans un monde étrange et insolite. Ses ouvrages sont illustrés avec des monotypes de Catherine Seghers.

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François Minod est l’auteur de quatre ouvrages publiés aux Editions Hesse (Au fil de l’autre, 2008, Grain à moudre 2009, Toc à Trac, suivi de Le déplieur, 2011, L’homme au banc, 2013, et d’un récit : Le Buste blanc, Leo Scheer @, 2009).

Il lira un montage de ses textes avec Jean Marie Villessotaccompagné du musicien Patrick Minod : flûte traversière et guitare

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« Ouvrir un recueil de François Minod, c’est une certaine manière d’entrer par effraction dans un univers de mots qui sont les nôtres, chaque jour, parfois, souvent, sinon toujours, et d’avoir ainsi la sensation qu’ils nous ont été dérobés. Il nous aura prévenu: « Parfois, je prends un mot qui traîne par là et je l’emmène avec moi au pays des mots dits. » On pourrait alors avoir l’impression de déjà-vu, déjà-lu et le quitter, pas-vu, pas-pris. …Mais François Minod a placé de page en page, un certain nombre de leurres qui entravent le lecteur, l’obligent à s’arrêter, à s’entendre dire, à s’écouter lire. Il y a le risque de l’évidence de La Question, qui en dit long sur la difficulté de la réponse et dont les majuscules soulignent l’importance.
Ecrire c’est croire que quelqu’un va entendre ce que tu dis. Nous sommes sur les traces laissées par l’empreinte des mots. Il convient juste de nous les entendre lire. » 
( Mireille Diaz-Florian, Théâtre de l’Epée de Bois)

LECTURES  avec

SUZANNE LE MAGNEN, CATHERINE JARRETT,
NADINE LEFEBURE,  JAY CEE, CHRISTIAN DEUDON


LE VENDREDI 25 AVRIL 2014 à 15H30

A LA BRASSERIE « LE FRANCOIS COPPEE » 
(1er étage)
1, Boulevard du Montparnasse M° Duroc
(Consommation obligatoire de 6, 50 Euros)

vendredi 28 mars 2014

Extrait de "L'hier au demain"



                         TROIS  LITANIES  POUR  LE  CIEL
                                                                               

                                                      I              
                                              NÉBULEUSE

 Nébuleuse à l’œil nu
Nébuleuse aux vertèbres de métal, au ventre d'aspic
Aux cheveux de palissandre à cinq branches
Nébuleuse lézard de la nuit
Scaphandre des ténèbres qui s'enfonce autour de la terre
Léopard de minuit
Nébuleuse en suspens, crinière de filigrane
Aux griffes de neige et de phosphore
Grise mine des clairs de lune, incendie des étoiles
Graminée de la nuit, pistil de la lumière
Nébuleuse aux feux de paille, aux pailles de fer
Vitrage de pluie, de glaives et de silex
Nébuleuse sur fond amer
Votre solitude m'étreint.                                           

                                                        II
                                          L’ ÉTOILE  MULTIPLE

L'Étoile à sept feux verts
L'Étoile à feux triangulaires
L'Étoile du berger solitaire
L'Étoile solidaire de la nuit
L'Étoile qui brille dans le ciel vert
L'Étoile qui dérange le circuit des bolides et météores
                                     L'Étoile qui réveille les rois mages

Celle qui endort les enfants
Celle qui dort dans le fond de l'oeil
Celle qui bruine au matin sur la Seine
                                     et rumine son train d'images et d'enfer
Et celle qui constelle dans les cirques les selles d'éléphant
L'Étoile du bon temps, celle du bon accueil
L'Étoile accroupie sur un parterre de fleurs
Celle qui se glisse dans un coin de la Cène
Celle qu'il sied aux mécènes
                                    de tendre aux pauvres artistes
                                                                     
Celle aussi que l'on fixe chez le dentiste
Celle qui brille au bout du téléphone
Celle qui passe à cheval et pousse sa chanson réclame
Celle qui dégringole en dansant dans le cercle des vivants
Pour turbiner aux turbines dans les usines
Et profiter des heures de lumière supplémentaire
Et rendre inoubliable le temps de la cantine

Pour avoir des vacances payées
Pour aider la misère à battre des ailes
               et prévenir la mort
                           et suivre les enterrements

 L'Étoile qui menace la géographie des navigateurs imprudents
 Et délivre sans retard les prisonniers innocents
          Celle qui ramène les navires aux portes des villes
          Qui aide l'homme à descendre en scaphandre
                            à vingt mille lieues sous les mers
                                                                     
        Cette étoile n'est pas encore celle
        Qui viendra un jour planter en terre
        La première pierre du château, de la cité, de la demeure
.                                                                         que l'on offre aux vainqueurs.                          
                                                      
                                                             III
                                                      LA COURTE ETOILE

C'est la chasse à courre, c'est la chasse à l'Etoile
une suite de courte étoile cette femme
qui suit ce pont de pierre
Comète de la ville elle fait
le tour des quais
C'est elle qui fait les quais de la ville
lumière qui file
sous les pieds de l'inconnu en chasse

C'est l'amour qui s'avance en faisant la roue
la rencontre, le feu, le fer de lance
une Étoile qui sert aux lance-pierres, ces ponts de pierre
qui vont où vont les ponts
ces jets de terre à d'autres terres

C'est l'amour de la chasse qui pousse
entre les pavés fleuris de fleurs de serre
c'est le cor qui sonne un rassemblement d'Étoiles
D'inconnu à inconnu des ponts de pierre
se lèvent, c'est l'amour et le ciel qui se rejoignent
la tombée qui emporte
des cerfs morts
d'un signe à l'autre sur les carrières du zodiaque

C'est l'heure imprévue de la chasse à l'Étoile
l'heure de monter un cheval piaffant                          
l'heure des chasse à courre, l'heure des chiens de race

C'est l'heure d'Ophélie au fil de l'eau, l'heure des marins morts
l'heure des bateaux à voile comme des oiseaux                   
de mer sur l'immobilité de pierre
Sur toute la ville c'est le silence
de la courte Étoile qui passe
d'oreille à oreille
et dépasse
les ponts qui s'espacent
de pont à pont

C'est l'ennui le vague le temps
de la vague qui vogue
avec ses lames d'Étoiles et roule la barque
 le navire de Christophe Colomb                                       
qui débarque et découvre des algues nouvelles
le naufrage qui vous pousse, l'abordage
d'une île très belle où poussent
des algues sauvages                                       
                   
La bouteille à la mer se brise sur un rocher
et c'est une marée d'Étoiles
une nuit blanche, l'aventure qui s'avance
à pas de chasse à loup, l'inconnu traque de gauche à droite
et pousse sur une île la courte Étoile        

Un convoi de maisons plonge lentement dans le fleuve         
A droite à gauche l'île se vide et désespère
Inerte, l'île n'est qu'une île de pierre avec ses ponts

Sur un terrain vague, un terrain de vague à l'âme
C'est la tombée de l'Étoile qui chemine
                A raz de terre c'est un cimetière d'Étoiles
                                                                        la tombée du ciel sur la terre


La tombée, c'est une immense vallée qui se referme
Une Étoile de sang vert répandu
Un escalier géant, une cavalcade, une rivière
Une averse qui chasse d'un pont à l'autre
                                                  la tombée de la nuit avec cette femme
                                                                                              qui passe.                                                  



Extrait de "Coeur Satellite"


PARCELLE INFINIE


Qui n’a pas vu d’apparition
N’a jamais vu la femme
Dans sa vraie dimension
D’un au-delà palpable

Le sens renaît au lieu de renaissance
L’infime parcelle de sa peau embrasée
Mesure l’infini de la robe amarante
Pour l’amant aimanté

Pour la reine des sirènes
Une robe de Voie Lactée
La chevelure d’yeux étoilés
Dissipant orage et peine

Sous l’œil tamisé de lune
Une pléiade de naïades
Sous l’œil tamisé de lune

L’ondine met en scène l’habit des premiers pleurs
Plane au-dessus des lois
Gravite dans les yeux des créatures de plume
Qui parlent en silence d’éthique de la peau
Et de nu esthétique, de fibres de soleil
Pareilles à la caresse

Voix croisées des comètes alertées par l’emport aérien

L’obscur agrémente les fenêtres sur parc
L’arbre décampe sous la foudre
Racines animées
La génération germe

Le sens impose son contraire et l’autre sens


Extrait de "Coeur Satellite"


CHANSON FOSSILE


Au crépuscule, je lui ai parlé de ces vallons perdus
dans les cerveaux des vieilles servantes de l’auberge ;

Je lui ai parlé des avenues tapissées de richesses en cage…

Elle a pris ma main entre les feuillages
et les ordures des temps modernes.

Mes eaux sales, domestiquées au creux d’une mare,
Attendaient depuis ces matins, un rayon de lumière.


Des ombres fortuites amenaient les deux êtres sur la route.


Je lui ai chanté une romance de verts prés au bois mort.

Elle s’est arrêtée
et m’a montré la fontaine lunique jaillissant
entre deux blocs de béton.


Un peintre…
Je l’ai vu au pied d’un ruisseau…
Je l’ai connu éphémère.

Et ne passa qu’un ramasseur d’herbe…

Je n’ai pas vu celui qui était là ;
il y a peut-être vingt ans…
Celui qui me parla des vieux crépuscules
où les soleils arpentaient nos corps.



L’auberge fut loin.

La neuve cité domestiquait le ciel gris,
la terre inouïe…

La campagne ruisselait de choses inédites,
de roses que les poètes antiques avaient oubliées.

Un jour,
elle enfoncera ses yeux dans cette boue poussière
et les fleurs recommenceront leurs tristes corolles
et leurs lumineux pétales.

Je fixai les étoiles que je n’arrivais ni à compter
ni même à voir
à travers la mer des murs…

Dans mes pupilles tournées dans l’en-deçà,
je vis une terre inconnue,
entourée de légendes obscures,
de mots inconnus aux dictionnaires des langues.

J’aurais voulu fixer cette image
afin de la connaître
et l’annoncer aux autres.

Au crépuscule,
elle a choisi un coin de mousse.

Mais le rêve un peu las des monstres de nos pensées,
taillés dans la broussaille,
enflamma le brouillard de la nuit.

Elle vit.

Je vis des gens parler, s’aimer, se comprendre.


Et pourtant,
il n’était plus temps d’attendre ces naïvetés :
penser et croire au lendemain.

Prématurés, les lendemains s’arrêtent un jour
et se rencontrent dans la poussière
et l’inconnu.

Elle m’a dit de prendre ces brindilles :
preuves de cette terre aperçue dans sa pupille.

Mais j’ai froissé les petits arbres…

Ils se sont brisés près de la mer…

Les portes de la nuit annoncèrent leur fermeture.

Nous étions pressés et passagers du crépuscule.

Plus beau que les pierres du paysage défunt,
Le sang attendait ce moment pour sortir du bleu.
Si longtemps qu’il attendait ce moment d’être coloré.

Dans sa pupille,
je voyais maintenant, sombrer à jamais,
l’ image de ces vieux contes.

La ville est calme

Je la parcours

La lune sèche m’observe le long des toits plats

Les derniers éclats de guerre strient le crépuscule

Je tombe

Je n’ai rien vu